Article – Partie réglementaire du Code général de la fonction publique et dialogue social, quels changements?
Céline Berthier, juriste, consultante au centre de droit JuriSanté du CNEH
Article paru dans la revue Gestions hospitalières n° 642 – janvier 2025, pp. 59-62
Engagée depuis 1997, la codification du droit de la fonction publique vient de connaître une nouvelle avancée avec la publication des deux premiers livres de la partie réglementaire du Code général de la fonction publique (CGFP). Prolongation de la partie législative édictée en mars 2022 [1], les livres Ier (Droits, obligations et protections) et II (Exercice du droit syndical et dialogue social) ont été publiés le 19 novembre dernier [2] pour une entrée en vigueur le 1er février 2025.
Ces chapitres réglementaires affichent les mêmes objectifs : une codification à droit constant, une réaffirmation du caractère unitaire du droit de la fonction publique et un renforcement de l’intelligibilité et de l’opérationnalité des règles applicables. Concrètement, cette nouvelle codification représente
l’intégration de 43 décrets, entraînant fusions de dispositions, abrogation de textes obsolètes, renvois actualisés et clarification de certaines mesures. Alors quels changements pour les domaines concernés, plus particulièrement le dialogue social, et quels impacts pour la gestion hospitalière ?
Selon la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), cette codification réglementaire apporte simplification sans changement des règles en vigueur, à l’exception de quelques modifications nécessaires de l’ordre d’une vingtaine d’articles sur un total de 1 867 portant sur la gestion
des dossiers individuels des agents publics, l’élection des représentants du personnel au sein des comités sociaux ou encore les subventions et facilités accordées aux organisations syndicales.
Si ces mesures nouvelles ont l’avantage de corriger quelques vides juridiques et de clarifier l’action des gestionnaires dans les domaines concernés, d’autres restent en attente et force est de constater qu’à première vue, la simplification opérée n’est pas si évidente.
Simple formalisation, avancée notable ou rendez-vous manqué, difficile de qualifier l’avènement de ces deux livres réglementaires du CGFP, qui deviennent pourtant la norme applicable d’ici quelques jours.
Les apports de la nouvelle codification réglementaire
Pour le dossier de l’agent public
Pas de révolution ou d’avancée majeure dans ce domaine mais une centralisation de dispositions éparses et la transposition des mesures applicables aux dossiers électroniques à l’ensemble des dossiers administratifs des agents, quel que soit le support.
Ainsi, les articles L. 137-1 à 15 du CGFP (livre Ier) viennent garantir la bonne gestion du dossier administratif et personnel des agents, sujet majeur pour la protection des intérêts de l’agent, notamment quant à son droit à la défense, en consacrant le droit de former une demande sur la constitution du dossier (rectification, retrait ou d’ajout) et précisant le sort du dossier en cas de mobilité de l’agent.
Pour les élections des représentants du personnel
Là encore, pas de modification substantielle mais des mesures nouvelles et concrètes qui auront leur utilité en temps venu :
- l’article R. 211-8 du CGFP réduit ou proroge la durée des mandats des membres des comités sociaux en fonction de la fixation de la date des élections pour le renouvellement général ;
- les articles R. 211-285, R. 211-435 et R. 211-486 interdisent la distribution et la diffusion de documents de propagande électorale le jour du scrutin pour l’élection des commissions administratives paritaires (CAP) locales, départementales et nationales ;
- les articles R. 211-586 à R. 211-588 viennent encadrer la contestation des opérations électorales pour ces mêmes scrutins en définissant un délai de recours administratif préalable obligatoire de 5 jours francs, avec obligation pour l’autorité administrative de statuer dans un délai de 48 heures et avec une transmission de cette décision motivée au directeur général de l’agence régionale de santé (ARS).
Pour les modalités du vote électronique
C’est sans doute le chapitre du CGFP [3] le plus empreint de nouveautés : les articles n’entreront en vigueur que lors du prochain renouvellement national des instances, soit en décembre 2026.
Remplaçant les anciennes dispositions en la matière [4], sans modifier le fond ni même rendre cette modalité de vote obligatoire, ces mesures très techniques prévoient :
- le recours obligatoire à un dispositif informatique de secours ;
- le rôle, les missions et les prérogatives de l’expert indépendant à consulter en la matière, ainsi que celles du ou des bureaux de vote (électronique) ;
- la création d’une cellule de supervision technique ;
- les modalités et les délais relatifs à l’envoi des candidatures à l’autorité organisatrice du scrutin, à la communication aux électeurs des candidatures et des professions de foi, à l’affichage ou la mise en ligne de la liste des électeurs ;
- les modalités de répartition des fragments de la clé privée de déchiffrement de l’urne électronique ; les modalités de mise à disposition d’un poste dédié au vote électronique lorsqu’il est obligatoire ;
- la mise en place de moyens distincts d’identification et d’authentification de l’électeur afin d’accéder au système de vote électronique, des procédures d’émargement et de délivrance d’un accusé de réception, ainsi que la création d’un centre d’assistance au bénéfice des électeurs ;
- les modalités globales de fin des opérations ainsi que les règles relatives à la conservation et à la destruction des données électorales.
Pour les compétences des instances représentatives du personnel
Au-delà d’intégrer les décrets de 2003, 2018 et de 2021 [5] dans le CGFP, cette codification permet de reprendre et de repréciser l’ensemble des compétences de ces deux instances, que ce soit celles prévues par les décrets précités et celles prévues dans d’autres textes telles que les lignes directrices de gestion pour le comité social et économique (CSE).
Quelques dispositions nouvelles et complémentaires sont venues s’ajouter, permettant ainsi un socle centralisé clair et complet s’agissant des compétences de ces instances.
Notons ainsi :
- la reprise des compétences des CAP précisées aux articles R. 263-11, R.263-12 et R .263-13 avec la suppression de l’avis de la CAP s’agissant de la mise à disposition d’un agent hospitalier auprès d’une organisation syndicale ;
- la retranscription de celles des commissions consultatives paritaires (CCP) aux articles R. 273-6 et 5 par parallélisme avec celles des CAP. Notons d’ailleurs que cette instance connaît une vraie reconnaissance grâce à cette codification par l’élargissement de règles de fonctionnement qui, jusque-là, s’agissant précisément de la FPH, n’étaient pas précisées ;
- la clarification des compétences du CSE, notamment :
- l’article R. 253-14 qui ajoute le bilan de la politique d’engagement collectif (PEC) aux sujets devant faire l’objet d’un débat annuel,
- l’article R.253-11 qui réintègre les lignes directrices de gestion ainsi que les équipements indispensables et technologies attribués aux organisations syndicales aux sujets devant recueillir un avis du CSE,
- l’article R.273-15 qui ajoute la création de postes de titulaires à temps non complet aux sujets d’information du CSE,
- enfin, reprise d’une disposition propre au feu CHSCT, l’article R. 253-75 qui prévoit la compétence de la formation spécialisée du CSE à l’égard du personnel mis à la disposition et placé sous la responsabilité de l’autorité administrative par une entreprise.
Pour les conditions d’exercice des représentants du personnel
Pilier du droit syndical hospitalier, le décret de 1986 [6] se voit lui aussi intégrer le CGFP et les autorisations spéciales d’absence (ASA) de ses articles 13, 15 et 16, de fait renommées par le changement de numérotation induit par cette intégration.
Ce futur changement de dénomination ne modifie pas le sens de ces autorisations dont les principes sont repris à l’identique aux articles R.214-27 à R.214-46.
Une évolution est toutefois constatée à l’article R. 214-41 qui précise que ces ASA (ex-article 15) sont égales à la durée prévisible de la réunion à laquelle le représentant est convoqué, à laquelle s’ajoutent le temps de trajet ainsi qu’une durée égale au double de cette durée prévisible de temps de réunion, soit au total le triple (plus le temps de trajet) de la durée de la réunion en elle-même.
Si cette disposition n’est pas inconnue des gestionnaires hospitaliers puisqu’elle était issue d’une instruction du 25 février 2016 relative à l’exercice du droit syndical dans la FPH, le décret du 3 décembre 2021 sur le CSE n’avait pas repris ces dispositions dans ces termes et un doute subsistait sur l’application et la durée de cette ASA article 15. Cette nouvelle codification revient donc à la lecture de l’instruction de 2016 en consacrant une durée triple, ce qui présente l’avantage de bien clarifier cette disposition pour l’ensemble des réunions concernées par cet article.
Autre nouveauté pour l’ex-ASA article 15 instituée par les articles R. 214-36 et R. 214-45, elle est désormais délivrée de droit aux représentants (sur présentation d’une convocation) ainsi qu’aux experts appelés à siéger dans des organismes consultatifs dont font partie les CCP et les formations spécialisées en matière de santé, sécurité et conditions de travail (F3SCT), ce qui n’était pas précisé auparavant. Ces diverses évolutions permettront aux gestionnaires de travailler plus sereinement sur ces questions parfois délicates.
Peut-on pour autant parler de véritable clarification ? L’action des gestionnaires hospitalières s’en trouve-t-elle facilitée ou davantage éclairée sur les sujets les plus épineux du dialogue social ?
Et des rendez-vous manqués
Présenté comme un événement dans le petit monde du droit de la fonction publique, l’avènement de ces deux premiers livres réglementaires demeure une codification « à droit constant », c’est-à-dire sans modification sur le fond des dispositions réglementaires.
La rédaction et les quelques modifications de texte opérées sont, selon la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), « celles qui sont uniquement commandées par la mise en cohérence de dispositions éparses, la correction d’erreurs matérielles, l’abrogation de dispositions obsolètes, le respect de la hiérarchie des normes, l’harmonisation de l’état du droit ou toute autre modification résultant des objectifs d’accessibilité et d’intelligibilité du droit ».
Il serait plus opportun de parler de toilettage que de véritable avancée ou tournant pour le droit de la fonction publique.
Pourtant, certains sujets auraient mérité de profiter de cette refonte pour être allégés . Par exemple, les dispositions sur les CAP imposent toujours la tenue de deux réunions par an (article R.264-43) alors que les CAP sont désormais des instances « de réaction » sollicitées lorsqu’une situation litigieuse avec un agent est constatée, que cette sollicitation soit obligatoire ou à la demande de l’agent selon les sujets. Quel sens a cette obligation de tenir deux séances annuelles si aucune situation n’est à soumettre à l’avis de la CAP alors que celle-ci ne comprend pas de sujets d’information ?
S’agissant de la situation des représentants du personnel, un sujet interroge actuellement les établissements de santé à propos de la rémunération ou plus précisément du régime indemnitaire : en cause le maintien ou non des indemnités spécifiques de nuit ou de dimanche pour un agent en décharge d’activité de service.
Si le décret n° 2017-1419 du 28 septembre 2017 (7) semble avoir précisé les conditions de rémunération des fonctionnaires bénéficiant d’une décharge d’activité syndicale ou d’une mise à disposition totale, avec le maintien dans ce cas des primes et indemnités perçues, y compris celles relatives aux astreintes, indemnités de dimanche ou de nuit, le sujet fait débat et de nombreux contentieux sont en cours à ce sujet.
Le régime est par ailleurs beaucoup moins clair pour les autres agents publics, à savoir les agents fonctionnaires disposant d’une décharge syndicale de moins de 70 % ou les agents contractuels.
S’agissant de la première catégorie, le Conseil d’État a établi le droit au maintien du bénéfice de l’ensemble des primes et indemnités attachées à l’emploi occupé avant la décharge, à l’exception des indemnités représentatives de frais et des indemnités compensant les charges et contraintes particulières, liées notamment à l’horaire, à la durée du travail ou au lieu d’exercice des fonctions, auxquelles le fonctionnaire n’est plus exposé en raison de la décharge [8].
Pour les agents contractuels, c’est le droit commun contractuel qui s’applique, sans véritable fondement quant à cette situation particulière.
La rédaction du livre II du CGFP aurait pu être l’occasion de réaffirmer les dispositions du décret de 2017 et des jurisprudences administratives [9] pour les agents déchargés à temps plein et également de (re)préciser le régime applicable pour les autres situations ou agents.
Conclusion
Si l’objectif de cette codification est de rendre plus intelligible et plus accessible le droit de la fonction publique, est-il réellement atteint ?
La compilation de 43 décrets dans un seul et même code est certes louable et présente l’avantage de l’unité mais, à la première lecture, l’ouvrage est complexe et, nonobstant les tableaux de concordance, il apparaît difficile de se repérer et de noter les éventuels changements opérés.
Ainsi, pour le seul texte relatif au CSE, le décret n° 2021-1570 du 3 décembre 2021 dans la FPH se retrouve morcelé à différents endroits du livre II, chapitre 5, entre dispositions communes à toute la fonction publique et dispositifs spécifiques pour la FPH, avec un ordonnancement et une numérotation bouleversée.
La lecture et la mise en oeuvre de ce décret s’en trouvent complexifiées et c’est un travail de recherche et de mise à jour des visas qui attend les gestionnaires avant de pouvoir se réapproprier ces mesures.
Rappelons à ce titre, et comme rappelé par le Conseil d’État lui-même lors de la présentation du CGFP en mars 2022, que l’erreur de visa dans une décision, et a fortiori de numérotation s’agissant d’anciennes dispositions réglementaires devenues des articles du CGFP, n’emporte pas l’illégalité de l’acte incriminé, cette codification étant de droit constant sans refonte des principes textuels.
Codification de forme, nouvelle architecture et numérotation de dispositions, mesures restant à clarifier…, autant de défis d’appropriation et de connaissance que le CGFP a à relever alors qu’il reste encore six autres livres et près de 350 décrets à intégrer.
Notes
[1] Ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du Code général de la fonction publique.
[2] Décret n° 2024-1038 du 6 novembre 2024 relatif aux dispositions réglementaires des livres Ier et II du Code général de la fonction publique.
[3] Section 6 du CGFP, articles R.211-503 à R.211-584.
[4] Décret n° 2017-1560 du 14 novembre 2017 relatif aux conditions et modalités de mise en oeuvre du vote électronique par internet pour l’élection des représentants du personnel au sein des instances de représentation du personnel de la fonction publique hospitalière.
[5] Décret n°2003-655 du 18 juillet 2003 relatif aux commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière.
Arrêté du 8 janvier 2018 relatif aux commissions consultatives paritaires compétentes à l’égard des agents contractuels de la fonction publique hospitalière.
Décret n° 2021-1570 du 3 décembre 2021 relatif aux comités sociaux d’établissement des établissements publics de santé, des établissements sociaux, des établissements médico-sociaux et des groupements
de coopération sanitaire de moyens de droit public.
[6] Décret n°86-660 du 19 mars 1986 relatif à l’exercice du droit syndical dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.
[7] Décret n° 2017-1419 du 28 septembre 2017 relatif aux garanties accordées aux agents publics exerçant une activité syndicale.
[8] CE, section, 27 juillet 2012, n° 344801, publié.
[9] Voir en ce sens TA Poitiers n°1902729 du 29/6/2021 – TA Nancy n°2103704 du 6/4/2023 – TA Lille n°2100758 du 5/10/2023 – CAA de Nantes n°22NT02642 du 21/7/2023.