NOTES DE JURISPRUDENCE – Statuts des personnels médicaux et non médicaux
Par Myriam TAMRAZ, juriste, apprentie du Centre de droit JuriSanté du CNEH
CAA, Bordeaux, Mme C…A…, 3 octobre 2017, n°16BX01559 (fin de stage-non titularisation-motivation)
Faits : Une stagiaire exerçant les fonctions d’agent des services hospitaliers n’a pas été titularisée et a été radiée des cadres. La période de stage devait durer un an, mais au bout de quelques mois, les supérieurs hiérarchiques de la requérante ont demandé qu’il soit mis fin au stage pour insuffisance professionnelle. Le directeur n’a cependant pas fait droit à cette demande afin de laisser la stagiaire faire ses preuves au cours des mois de stage restants. En revanche, ce dernier s’est opposé en dépit de l’avis favorable de la commission administrative paritaire à ce que la stagiaire puisse faire un stage complémentaire.
Problématique : La décision refusant la titularisation d’un stagiaire au terme de la période de stage doit- elle être motivée ?
Texte applicable : Article 53 du décret n°2003-655 du 18 juillet 2003, alinéa 4
Décision : La Cour d’appel y répond par la négative en expliquant que le refus de titulariser un stagiaire n’a pas pour effet de le priver d’un droit, du moment que le stage a été effectué dans la totalité de la durée prévue. Il en résulte que la décision n’avait pas à être motivée. En revanche, le directeur était tenu au terme de l’article 53 du décret du 18 juillet 2003 d’informer la Commission des motifs l’ayant conduit à prendre une décision contraire. Bien que cette obligation n’ait pas été respectée, le juge considère qu’il n’y a aucune incidence sur la légalité de la décision attaquée.
CAA Bordeaux, M.D…, 3 octobre 2017, n°15BX02786 (Contractuel de droit public-CDD-CDI-Requalification-Emploi précaire-Résorption-Transformation du contrat)
Faits : Un agent de sécurité incendie a été employé au Centre hospitalier gérontologique du Raizet en exécution de 22 contrats à durée déterminée (CDD) successifs. Il a effectué en tout six ans, onze mois et vingt jours de service effectif et a ainsi demandé la requalification de ces contrats en contrats à durée indéterminée (CDI). Cette requête lui a été refusée au motif que l’emploi d’agent de sécurité incendie ne présentait pas un caractère permanent.
Problématique : Le caractère non permanent de l’emploi occupé en CDD fait-il obstacle à la proposition d’un CDI au terme des 6 ans ?
Texte applicable : Article 30 de la loi n°2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Décision : L’établissement n’a pas établi le caractère non permanent de l’emploi. L’hôpital était donc effectivement tenu de proposer à l’agent un contrat à durée indéterminée conformément à l’article précité dans la mesure où l’agent avait accompli plus de 6 ans au service du même hôpital.
CE, Mme B…, 13 octobre 2017, n°398856 (Prise en compte des fonctions antérieures-Médecin scolaire-Reclassement-Praticien hospitalier)
Faits : Un praticien a exercé les fonctions de médecin scolaire pendant une durée de 16 ans avant d’être attaché au centre hospitalier Alpes-Isère de Saint-Egrève. A la suite de son succès à un concours de recrutement, elle a été nommée praticien hospitalier dans ce même établissement et classée au 4ème échelon avec une ancienneté d’un an, dix mois et onze jours correspondant aux seuls services accomplis en tant que praticien attaché.
Problématique : Les fonctions de médecin scolaire doivent-elles être prises en compte pour le classement dans l’emploi de praticien hospitalier ?
Texte applicable : Article R.6152-15 du CSP
Décision : Le Conseil d’Etat considère que les fonctions exercées par les médecins dans les établissements scolaires doivent, « alors même qu’elles consistent principalement en l’accomplissement de missions de prévention et de promotion de la santé, être regardées, au sens des dispositions précitées du 3° de l’article R.6152-15 du Code de la santé publique, comme de même nature que celles de praticien hospitalier ». Les seize années effectuées en tant que médecin scolaire doivent donc être prises en compte dans le calcul de l’échelon du praticien hospitalier.
CE, M.A…, 5 juillet 2017, n°395350 (Agent contractuel-Représentant du personnel-CHSCT-Salarié protégé-Autorisation de l’inspecteur du travail)
Faits : En l’espèce, un masseur-kinésithérapeute a été recruté en CDI par le centre hospitalier de Ponteils puis licencié quelques années plus tard. Ce dernier fait valoir devant le juge sa qualité de salarié protégé, car il siégeait en tant que représentant du personnel au CHSCT, et qu’une autorisation de l’inspecteur du travail était requise pour son licenciement.
Problématique : Peut-on licencier un représentant du personnel au CHSCT sans autorisation de l’inspecteur du travail ?
Texte applicable : L.2411-13 du Code du travail
Décision : Le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives ne peut avoir lieu qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. Le licenciement effectué sans cette autorisation présente un caractère illégal même s’il repose sur des motifs légaux. Le salarié dispose dès lors au minimum d’un droit à réparation du préjudice lié à la méconnaissance de son statut protecteur.
CAA Lyon, Mme B… , 28 septembre 2017, n°15LY04111 (plainte ordinale-Praticien hospitalier-Acte non détachable de la fonction publique hospitalière)
Faits : Un praticien hospitalier a déposé contre deux de ses confrères des plaintes devant le conseil départemental de l’Ordre des médecins pour dénigrement de sa pratique professionnelle. Elle a par la suite fait l’objet d’une enquête diligentée par l’ARS qui n’a cependant donné lieu à aucune sanction disciplinaire. Le praticien plaignant a alors demandé au conseil départemental de l’Ordre des médecins (l’Ordre) que ses plaintes soient transmises à la chambre disciplinaire de première instance. Toutefois l’Ordre a estimé après avoir entamé des démarches de conciliation, que les faits de non confraternité n’étaient pas établis et a opposé son refus. La requérante a alors saisi le tribunal administratif.
Problématique : La plainte ordinale d’un praticien hospitalier contre ses confrères est-elle recevable lorsque les agissements dénoncés ne sont pas détachables des actes de la fonction publique hospitalière ?
Texte applicable : Article L.4124-2 CSP
Décision : Le juge y répond par la négative car les faits dénoncés par la plaignante ne peuvent pas être considérés comme détachables du service. Les dispositions de l’article L.4124-2 ont donc vocation à s’appliquer et il en ressort clairement que le praticien ne pouvait traduire ses confrères devant la Chambre disciplinaire de première instance.
CE, 13 octobre 2017 n°396934 – Logements de fonction-temps de travail effectif-astreintes
Faits : En l’espèce, un service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) a entrainé l’organisation d’astreintes de nuit au service d’anesthésie pour assurer la continuité du service d’urgence. Les infirmières anesthésistes ont vu leur temps de travail réparti entre un temps de travail effectif, et un autre d’astreinte. Durant la période d’astreinte elles devaient être en mesure de rejoindre rapidement l’établissement et pouvaient soit résider à leur domicile, soit bénéficier d’un logement de fonction. La requérante (une infirmière anesthésiste) souhaite que les heures d’astreinte qu’elle a réalisées soient payées en tant que temps de travail effectif.
Problématique : Les périodes d’astreinte effectuées dans un logement de fonction situé dans l’enceinte de l’hôpital peuvent-t-elles être considérées comme du temps de travail effectif ?
Texte applicable : Article 5 du décret du 4 janvier 2002 relatif à l’organisation et à la réduction du temps de travail dans les établissements publics de santé
Décision : Afin de déterminer la rémunération des heures de travail effectuées, le Conseil d’Etat distingue :
- « Les périodes de travail effectifs durant lesquelles les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à leurs directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ( …) »
- « Les périodes d’astreinte durant lesquelles les agents ont l’obligation d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’établissement (…) ».Le fait que l’employeur mettre à la disposition des agents des logements situés dans l’enceinte de l’hôpital ou à proximité pour leur permettre d’intervenir rapidement n’implique pas que le temps passé dedans soit qualifié de temps de travail effectif . En effet, même si l’agent se trouve dans le logement de fonction, il n’est pas à la « disposition permanente et immédiate de son employeur et peut, en dehors des temps d’intervention vaquer librement à ses occupations personnelles ».Le pourvoi du requérant est rejeté.
CE, 11 octobre 2017, N° 402497 (radiation à titre disciplinaire-jugements d’acquittement)
Faits : Un médecin a été radié à titre disciplinaire du tableau de l’Ordre des médecins pour avoir causé délibérément la mort de plusieurs patients du Centre hospitalier dans lequel il travaillait. Parallèlement aux poursuites disciplinaires dont il a fait l’objet, il a aussi été poursuivi au pénal mais a été relaxé dans certaines affaires. Fort de ces acquittements, il est revenu devant la juridiction disciplinaire afin que sa sanction soit révisée, mais la décision de radiation a été confirmée.
Problématique : Le juge disciplinaire est-il lié par les motifs d’un jugement d’acquittement ?
Décision : Le Conseil d’Etat rappelle que si le juge disciplinaire est effectivement lié par les faits retenus par un juge pénal lorsqu’ils servent de fondement à une condamnation, il n’en va pas de même concernant les motifs d’un jugement d’acquittement. La Chambre disciplinaire n’a donc commis aucune erreur de droit en ayant une appréciation autonome de celle du juge pénal. Par ailleurs, le juge réalise un contrôle de proportionnalité afin de s’assurer que la sanction prononcée n’est pas disproportionnée par rapport aux manquements. En l’espèce, il considère que la mesure est proportionnée puisque le médecin a manqué à l’interdiction de provoquer délibérément la mort.
CE, 8 novembre 2017, n°402103 ( mutation dans l’intérêt du service-lieu de la mutation)
Faits : Un facteur a fait l’objet d’une sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée d’un an en raison de conflits suscités par son comportement. Il a par la suite été réintégré, mais affecté dans l’intérêt du service à un autre poste.
Problématique : Le fait qu’un agent public ne soit pas mis au courant du lieu de sa mutation dans l’intérêt du service porte-t-il atteinte au droit à la communication du dossier ?
Texte applicable : Article 65 de la loi du 22 avril 1905
Décision : Le Conseil d’Etat considère que l’agent a été mis à même de solliciter la communication de son dossier car même s’il ne connaissait pas le lieu de sa nouvelle affection, il avait été informé de l’intention de l’administration de le muter dans l’intérêt du service.