NOTES DE JURISPRUDENCE – Personnels médicaux et non médicaux
CAA Douai, M.C, 21 décembre 2017, n°16DA00539 (protection fonctionnelle- menaces de mort-différend d’ordre privé- refus)
Faits : Un aide-soignant s’est vu implicitement refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle, alors qu’il avait été victime, sur son lieu de travail, de menaces de mort de la part d’une de ses collègues. Le requérant entretenait avec cette dernière une relation intime qui avait pris fin en 2006.
Problématique : La protection fonctionnelle peut-elle être demandée pour un différend d’ordre privé ?
Décision : La protection fonctionnelle vise à assurer la protection du fonctionnaire contre les menaces, violences, insultes, injures…dont il pourrait être victime dans l’exercice de ses fonctions. Or, la Cour d’appel considère qu’il s’agit d’un différend d’ordre privé car les menaces et les insultes sont liées à la rupture intime qu’entretenait le requérant avec sa collègue.
CAA Lyon, Mme C…, 19 décembre 2017, n°15LY02840 (imputabilité du lien au service-maladie professionnelle-commission de réforme)
Faits : Un fonctionnaire hospitalier qui avait été dans un premier temps agent des services hospitaliers, puis aide-soignante a été placé en congé de maladie ordinaire avant d’être placé en disponibilité d’office à l’épuisement de ses droits.
Elle s’est vue refuser par le directeur de l’établissement la reconnaissance de l’imputabilité au service de l’affectation dont elle est victime au motif qu’elle avait exercé en qualité d’aide-soignante pendant une durée trop courte pour expliquer les pathologies ayant entrainé son arrêt de travail.
Problématique : Faut-il prendre en compte la période pendant laquelle l’agent avait exercé en qualité d’agent des services hospitaliers pour apprécier l’imputabilité de la pathologie au service ?
Décision : Le juge considère qu’il convient de prendre en compte la période pendant laquelle la requérante était agent des services hospitaliers car les tâches exercées étaient similaires à celle qu’elle devait accomplir en tant qu’aide-soignante. De plus, divers éléments médicaux (fiche du médecin du travail, certificats médicaux) allaient dans le sens de l’imputabilité au service de la maladie dont souffrait l’agent.
CAA Nancy, M.A…, 12 décembre 2017, n°16NC00862 (PH temps plein -suspension provisoire -risque pour la sécurité des patients-procédure non disciplinaire)
Faits : Un PH à temps plein exerçant au service des urgences d’un centre hospitalier a été provisoirement suspendu par le directeur de l’établissement à la suite de divers rappels relatifs à l’exercice de ses fonctions.
Problématique : Le directeur d’hôpital peut-il suspendre provisoirement un PH de ses fonctions cliniques et thérapeutique lorsque des éléments laissent présager un risque pour la sécurité des patients causé par le comportement du PH ?
Décision : La Cour d’appel y répond positivement, appliquant en cela une jurisprudence constante, en se basant sur plusieurs éléments : un rapport du chef des urgences, des témoignages de plusieurs personnels hospitaliers montrant que le PH ne respectait pas ses horaires de travail, prenait en charge un nombre trop limité de patients, exerçait ses fonctions de manière isolée sans respecter les règles des urgences…
Par ailleurs, le juge rappelle que la direction de l’établissement n’est pas tenue de respecter une procédure contradictoire en matière de suspension provisoire d’un PH.
CAA Nancy, Mme F…12 décembre 2017, n°16NC00681 (abaissement d’échelon- absence de motivation- reconstitution de carrière)
Faits : Le directeur délégué d’un centre hospitalier a infligé à un agent des services hospitaliers un abaissement d’échelon en raison du refus de ce dernier d’exécuter les tâches demandées par son supérieur hiérarchique. L’agent conteste la sanction en invoquant un défaut de motivation.
Problématique : Une sanction est-elle suffisamment motivée lorsque ses visas renvoient au rapport d’un cadre de santé et au procès-verbal ?
Décision : La Cour d’appel considère que l’autorité disciplinaire est tenue de préciser dans sa décision les griefs qu’elle entend retenir à l’encontre du fonctionnaire. Dans le cas où elle souhaiterait reprendre les motifs d’un rapport élaboré par un cadre de santé, il convient de les reprendre intégralement dans la décision de sanction.
Par ailleurs, le juge rappelle que toute sanction annulée oblige l’autorité de nomination à procéder rétroactivement à la reconstitution de carrière de l’agent, ainsi qu’à ses droits sociaux.
CAA Nancy, EPDAP de Vertus, 28 décembre 2017, n°16NC01212 (Imputabilité au service de la maladie-poussière d’amiante-preuve certaine)
Faits : Un agent d’entretien travaillait à la blanchisserie de l’EPHAD de Vertus de 1994 à 2006 avant d’être placé en congé de longue maladie, puis de longue durée à compter de 2011. Ce dernier atteint d’un mésothéliome malin du péritoine souhaitait la reconnaissance de l’imputabilité au service de son affectation au motif qu’il avait été exposé à des poussières d’amiante dans le cadre de sa fonction à la blanchisserie.
Problématique : Comment peut être prouvée l’imputabilité de l’affection au service afin qu’elle soit reconnue comme maladie professionnelle ?
Décision : La Cour indique que la preuve peut être rapportée par tout moyen de nature à emporter la conviction des juges. Dans le cas d’une infection à évolution lente et susceptible d’être liée à l’exposition de l’agent à un environnement ou des substances toxiques, les juges du fond doivent prendre en compte les divers éléments du dossier : environnement de travail, conditions d’exécution, durée de l’exposition et pathologies susceptibles d’être entrainées. En l’espèce, l’imputabilité du lien au service n’a pu être établie avec certitude.
CAA Nantes, M.D, 8 décembre 2017, n°16NT04018 (limite d’âge-prolongation d’activité-pouvoir d’appréciation par le CNG-besoins du service hospitalier)
Faits : Après avoir obtenu une prolongation d’activité un praticien hospitalier avait demandé le renouvellement de cette prolongation d’activité. Cette demande ayant été rejetée par un arrêté du CNG, le PH en demande l’annulation.
Problématique : Quels motifs peuvent fonder un refus de prolongation d’activité ?
Décision : Si la prolongation d’activité d’un praticien hospitalier n’est pas de droit, l’administration est tenue de fournir des motifs sérieux afin de justifier ce refus.
En l’espèce, la direction de l’établissement indiquait qu’elle n’avait pas de difficultés à recruter des cardiologues, et qu’elle prévoyait même d’en recruter deux supplémentaires à la date de départ en retraite du praticien. Ainsi l’avis négatif donné au praticien s’expliquait par le fait que l’établissement n’était pas confronté à une pénurie médicale. Par ailleurs, la juridiction rappelle qu’en la matière elle se contente d’un contrôle restreint réduit à l’erreur manifeste d’appréciation au regard des besoins du service public hospitalier.
CE, 26 octobre 2017, n°393456- accouchement – responsabilité – faute – interne
Faits : L’accouchement d’une patiente a été pris en charge par un interne placé sous la responsabilité d’un praticien hospitalier présent au début de l’accouchement qui s’est ensuite retiré dans un bureau voisin. La patiente présentant des signes de bradycardie, le praticien hospitalier l’a prise en charge, après que l’interne ait tenté sans réussite une manœuvre d’extraction. L’enfant né peu de temps après en état de mort apparente conserve de lourdes séquelles neurologiques suite à la réanimation effectuée.
Problématique : Dans quelles conditions peut être caractérisée la faute lors d’un accouchement pris en charge par un interne ?
Décision : Le Conseil d’Etat confirme la décision d’appel refusant de reconnaître une faute de la part de l’établissement. Il ne pouvait être considéré de façon certaine que l’absence momentanée du praticien aurait, même partiellement, contribué à la survenance du dommage. Par ailleurs, rien ne montrait que l’interne ne disposait pas des compétences requises pour assurer la prise en charge de la patiente, ni que les manœuvres effectuées par l’interne et le praticien pendant l’accouchement aient été contraires aux bonnes pratiques.
CE, 22 décembre 2017, n° 390709 – obligation – information – médecine esthétique
Faits : Une patiente assistante d’un médecin spécialisé en médecine esthétique poursuit ce dernier devant le Conseil de l’Ordre au motif qu’il n’aurait pas satisfait à son obligation d’information à l’occasion d’un acte de soin pratiqué sur elle. La chambre disciplinaire nationale de l’ordre annule la sanction infligée par le Conseil départemental considérant qu’au regard de sa profession, la patiente était réputée connaitre les modalités de l’acte qu’elle avait demandé au médecin de réaliser.
Problématique : Le fait qu’un patient détienne des connaissances médicales dispense-t-il le médecin de son obligation d’information ?
Décision : Le Conseil d’Etat y répond par la négative en rappelant que le simple fait que le patient ait des connaissances médicales ne dispense pas le praticien de l’informer lors d’un entretien individuel de manière claire, loyale et appropriée sur son état de santé et les soins proposés. Tout au plus, le fait que le patient ait des connaissances médicales « est seulement susceptible d’influer sur la nature et les modalités de cette information ».
Par ailleurs, il rappelle qu’en matière de chirurgie esthétique l’obligation d’information est renforcée car elle doit porter sur les risques et inconvénients de toute nature susceptibles d’en résulter.