Billet d’humeur – Soins psychiatriques sans consentement, patients mineurs et autorité parentale: quand la Cour de cassation se prononce sur une évidence ? A propos de l’avis du 18 Mai 2022 – n° 22-70.003
Aude Charbonnel et Isabelle Génot-Pok, juristes, consultantes du centre de droit JuriSanté du CNEH
La Cour de cassation a récemment rendu un avis sur un sujet qui ne semblait pas poser de difficulté d’interprétation juridique pour les établissements psychiatriques… alors qu’actuellement il y a de nombreuses interrogations concernant la procédure d’isolement et de contention suite à la parution des textes[1], notamment sur le calcul des délais ! Un éclairage de la Haute juridiction sur ces textes récents serait autrement plus pertinent que de redire ce qui n’est plus à dire.
En attendant (voire en espérant) un prochain avis de la Cour de cassation sur l’isolement et la contention, revenons sur sa dernière analyse.
En l’espèce, un juge des libertés et de la détention (JLD) lui a posé la question suivante : « L’article L. 3211-10 du code de la santé publique s’analyse-t-il comme interdisant toute mesure d’hospitalisation d’un mineur à la demande d’un tiers ou limite-t-il la qualité de tiers demandeurs aux seuls titulaires de l’autorité parentale ? »[2]
Article L. 3211-10 du CSP: Hormis les cas prévus au chapitre III du présent titre, la décision d’admission en soins psychiatriques d’un mineur ou la levée de cette mesure sont demandées, selon les situations, par les personnes titulaires de l’exercice de l’autorité parentale ou par le tuteur. En cas de désaccord entre les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale, , le juge aux affaires familiales statue.
Dans son avis, la Cour de cassation liste les situations dans lesquelles un mineur peut faire l’objet de soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète :
Dès lors, la Haute juridiction conclut que l’article L. 3211-10 du code de la santé publique s’analyse comme interdisant toute mesure d’hospitalisation d’un mineur décidée sur le fondement de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique par le directeur d’établissement à la demande d’un tiers ou des titulaires de l’exercice de l’autorité parentale.
Sur cette délicate question du consentement aux soins des mineurs en psychiatrie, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a livré une longue analyse dans son rapport sur les droits fondamentaux des mineurs en établissement de santé mentale (2017)[3] :
« Au mineur donc, l’hospitalisation peut être totalement imposée par un tiers – ses parents, voire le directeur de l’établissement qui l’accueille – sans qu’il bénéficie des garanties reconnues aux majeurs en situation comparable : il n’est pas nécessaire de justifier qu’il présente des troubles mentaux rendant impossible son consentement ; il n’est pas exigé que son état mental impose des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante ; il n’est pas exigé que la demande soit accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours dont l’un émanant d’un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil. Et pourtant, ce type d’hospitalisation, qui n’a de libre que le nom, n’est pas soumis au contrôle du juge. Tout se passe comme si ces « tiers » étaient présumés agir dans l’intérêt de l’enfant, le médecin de l’établissement d’accueil en étant le meilleur garant. La notion de soins libres apparaît donc très discutable ».
Toutefois, on rappellera le principe – inchangé depuis au moins la loi de 1993[4]– selon lequel c’est l’autorité parentale qui prend les décisions concernant le patient mineur qu’il s’agisse de soins somatiques ou psychiatriques. De plus, les dispositions de la loi du 4 mars 2002 s’appliquent aussi au patient mineur en soins psychiatriques concernant l’obligation de l’informer (art. L.1111-2 du CSP) et de rechercher son consentement (art. L.1111-4 du CSP). Ce qui n’est pas précisé par les textes au moment de l’admission du patient majeur en soins sans consentement (articles L.3212-1 et ss, L.3213-1 et ss du CSP). Aussi, la situation du mineur est identique en droit, en ce qui concerne la mise en œuvre des soins somatiques ou psychiatriques. Il est donc logique, et ce depuis la loi du 27 juin 1990[5], modifiée par la loi du 5 juillet 2011, que le dispositif des soins sans consentement ne s’applique pas par principe au mineur hospitalisé à la demande de ses représentant légaux ; sa situation juridique étant la même qu’en soins somatiques.
[1] Loi du 22 janvier 2022, décret du 23 mars 2022 et instruction du 29 mars 2022
[2] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045823025?init=true&page=1&query=22-70.003&searchField=ALL&tab_selection=all
[3] http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2017/11/Rapport-th%C3%A9matique-mineurs-hospitalis%C3%A9s_version-web.pdf
[4] Loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales
[5] Loi 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits des malades atteints de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation