Billet d’humeur – Quelle posture attendue d’un chef de service ?
Brigitte de Lard-Huchet, directrice du centre de droit JuriSanté du CNEH
Intéressante décision que l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de PARIS le 25 octobre dernier (CAA PARIS, 25/10/2023, 22PA00402). Il y est question d’un professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH), chef de service de chirurgie digestive, qui conteste la décision du directeur ayant mis fin à ses fonctions de chef de service.
Le juge écarte sans plus de détail les possibles qualifications de discrimination, harcèlement moral, ou sanction déguisée que le praticien aurait voulu voir reconnaître à son encontre.
On retiendra surtout l’argumentaire du juge sur la motivation de la décision, qui peut se résumer ainsi :
- La décision est principalement fondée sur des divergences stratégiques majeures entre le médecin et la gouvernance médicale, universitaire et administrative de l’établissement ;
- Plus particulièrement, en critiquant ouvertement un projet de regroupement des activités chirurgicales de l’établissement, le praticien a pris le contre-pied de la stratégie élaborée par l’établissement auquel il appartenait ;
- Une telle prise de position a entraîné « une perte de confiance » vis-à-vis de l’intéressé.
La cour estime que ces éléments sont suffisants pour fonder la décision de mettre un terme aux fonctions de chef de service.
Et le juge de conclure, dans une formulation qui friserait en d’autres circonstances l’arrêt de principe : « les fonctions de chef de service [emportent] nécessairement obligation de collaboration étroite et dans un climat de confiance mutuelle avec les instances dirigeantes de l’établissement public de santé ».
Rappelons que le chef de service a retrouvé ses lettres de noblesse dans le code de la santé publique depuis 2021 (article L.6146-1-1 CSP). Parmi les missions et prérogatives qui lui sont reconnues par la loi, on notera que « Le chef de service et le cadre de santé sont associés au projet d’établissement, au projet de gouvernance et de management participatif et aux projets d’évolution de l’organisation interne de l’établissement. (… ), le chef de service est notamment associé par le chef de pôle à la mise en œuvre de la politique de l’établissement afin d’atteindre les objectifs fixés au pôle. » Le chef de service n’est ainsi pas seulement un manager, ou un pilote de proximité des activités médicales. Il doit inscrire son action dans un cadre plus large qui est celui du pôle et de l’établissement. Une forme d’adhésion institutionnelle est attendue de sa part. Sur toutes ces questions, les chefs de service sont-ils outillés, et formés ?