ARTICLE – Le dispositif juridique de la protection des majeurs et l’ordonnance du 11 mars 2020 : enfin de la cohérence entre les textes !
Revue Gestions Hospitalières – n°596 – juin 2020 – A paraître
Isabelle Génot Pok, Juriste consultante en droit de la santé, Centre de droit JuriSanté du CNEH
S’il est un texte qui s’est fait attendre dans le domaine des droits des personnes vulnérables c’est bien cette ordonnance[1] de « réajustement » entre le code civil, clair depuis 2007[2] sur les droits des majeurs protégés, et le code de la santé publique (CSP), resté flou sur ce point, car inchangé depuis la loi du 4 mars 2002 et laissé sans explication sur son interprétation. Il s’agit donc de procéder enfin, à un sérieux et juste dépoussiérage du code de la santé publique, mais aussi de celui de l’action sociale et des familles (CASF) devenus d’autant plus obsolètes dans leurs dispositions relatives aux majeurs protégés suite à la publication de deux textes essentiels : l’ordonnance de 2015[3] créant le nouveau dispositif de l’habilitation familiale, et l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur le consentement des personnes vulnérables[4]. Cela fait plus de 10 ans que les professionnels de santé sont dans un flou juridique très préjudiciable concernant les patients majeurs protégés qu’ils prennent en charge. Qui doit être informé? Qui peut consentir aux soins ? Quand prévenir le juge ? Trop souvent ils appliquent un principe de précaution en sur-sollicitant le protecteur et en négligeant la volonté du patient.
D’autant que cette mise en cohérence entre le code de la santé publique et le code civil aurait pu s’effectuer depuis longtemps, si ce n’est dans le sillage de la loi de 2007[5], du moins suite à la loi du 26 janvier 2016[6].
C’est donc la réforme de la justice portée par la loi 23 mars 2019[7] qui, orchestrant de nombreuses modifications, améliorations et précisions quant aux capacités juridiques des majeurs protégés (notamment par une « tutelle » ou mesure équivalente), a, justement abouti à la rédaction de cette ordonnance.
Si l’ordonnance entrera en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er octobre 2020, lequel doit aussi adapter la partie réglementaire de ces deux codes[8], il est nécessaire de connaître d’ores et déjà le dispositif afin de s’en imprégner et de l’appliquer dès qu’il sera devenu obligatoire. Mais pour bien des textes avec une date d’application différée, ce type de précaution a souvent été inefficace[9].
En termes de mise en œuvre, l’ordonnance s’applique aux mesures de protection juridique en cours au jour de son entrée en vigueur et aux actes médicaux ou médico-sociaux pour lesquels aucune décision n’a été prise au jour de son entrée en vigueur.
1/ Les objectifs de l’ordonnance
Prise par le Gouvernement sur le fondement de l’article 9-IV[10] de la loi du 23 mars 2019, l’ordonnance adapte les dispositions spéciales du code de la santé publique et du code de l’action sociale et des familles prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures protégées, et les alignent logiquement sur le régime général de la protection des personnes édicté dans le code civil.
L’objectif principal étant de lever les nombreuses contradictions entre les différents textes et de mieux faire comprendre le dispositif juridique à l’ensemble des professionnels de santé, notamment les médecins[11].
Dans cette logique, le texte du 11 mars 2020 consolide le principe premier de l’autonomie de la personne protégée dans le domaine sanitaire et médico-social – qui relève par définition de la sphère personnelle-, tout en garantissant sa protection dans un équilibre nécessaire au respect de leurs droits. Ce faisant, l’ordonnance redéfinit les limites des cas d’intervention des personnes chargées d’une mesure de protection juridique à l’égard d’un majeur en tenant compte de toutes les évolutions législatives, notamment celles concernant les mesures de protection actuelles.
2/ Les implications dans le domaine de la santé
Le texte, en alignant les dispositions spéciales (CSP) sur les dispositions générales (C.civ) fait volte-face et impose le principe d’autonomie du majeur protégé en matière sanitaire, tout en maintenant l’équilibre nécessaire avec la mesure de protection. Cette « posture juridique et éthique » rétablit la reconnaissance de la personne protégée en tant que personne aussi capable pour elle-même. Le code civil, a depuis la loi de 2007 mis en avant les actes relevant par définition de la sphère personnelle qui doivent rester de la compétence du majeur protégé dès lors qu’il est apte à en décider (articles 458 et 459 al 1[12]) : la santé ne relève-t-elle pas de l’intime et du « personnel » ? Dès lors, l’opposition des deux conceptions portées par ces textes n’était plus tenable au cœur d’un système valorisant les droits individuels.[13] Au-demeurant, on rappellera que le code de la santé publique n’a toujours tenu compte que de la protection tutélaire dans ses articles généraux[14], d’où, aussi, la nécessité impérieuse d’effectuer un changement de terminologie .
Question de terminologieOn notera que pour tenir compte de l’ensemble des évolutions majeures des textes depuis quelques années (Ordonnance de 2015 et loi du 23 mars 2019 notamment), l’ordonnance modifie la terminologie applicable à la protection juridique des majeurs dans ces deux codes. Cette modification permet de tenir compte de la multiplicité des mesures de protection juridique que le juge peut prononcer. Aussi, elle supprime donc le terme de tuteur au profit de « la personne chargée de la mesure de protection juridique ». Sont donc maintenant visés les anciens tuteurs, curateurs, les personnes habilitées par une habilitation familiale spéciale ou générale en représentation et les personnes mandatées dans le cadre d’un mandat de protection future. |
Au regard du principe d’autonomie de la personne protégée, les articles du code de la santé publique sont adaptés pour tenir compte de cette mise en avant de la personne majeure protégée et renforcer sa place dans les prises de décisions.
En conséquence de quoi, les articles L1111-2 et L1111-4 CSP, relatifs, respectivement, à l’information à l’expression de la volonté intègrent deux modifications de premier ordre.
D’une part, ils distinguent tous deux la personne mineure qui dispose d’un représentant légal, du majeur protégé qui dispose d’une personne chargée de sa protection juridique. Il était temps de mettre fin à la confusion entre ces deux catégories de personnes/patients dont le statut juridique et le statut social diffèrent en tous points. Les traiter de la même manière relevait autant de l’infantilisation que de l’humiliation pour la seconde catégorie. D’autre part, ils considèrent en priorité et sans aucune ambiguïté le majeur protégé dans la relation de soins, avant son protecteur. Ce dernier ne venant qu’en aide potentielle ou si le patient ne peut pas ou plus du tout se déterminer.
S’agissant du droit à l’information, c’est avant tout le majeur protégé qui en est le bénéficiaire. Dans son nouvel alinéa l’article L1111-2 dispose « III. – L’information prévue au présent article est délivrée aux personnes majeures protégées […] d’une manière adaptée à leur capacité de compréhension ». Le protecteur ne vient que plus tard « Cette information est également délivrée à la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne ». La nouveauté est que le texte tient compte également des autres mesures de protection : « Elle [l’information] peut être délivrée à la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec assistance à la personne si le majeur protégé y consent expressément ». On retrouve ici la logique de la curatelle ou de l’habilitation familiale simple (assistance à la personne) puisque le majeur bénéficiant de cette protection demeure totalement autonome quant à la mise en œuvre des actes médicaux et de soins. Son accord sera donc essentiel pour informer le protecteur au risque de violer le secret professionnel, pour lequel on pose ici une nouvelle dérogation.
Pour ce qui est du droit à l’expression de la volonté du patient, l’article L1111-4, faisant écho à l’article 459 du code civil[15] dispose « Le consentement, […] de la personne majeure faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne doit être obtenu si elle est apte à exprimer sa volonté, au besoin avec l’assistance de la personne chargée de sa protection. ». Dans la mesure où le majeur n’est pas apte à décider même avec une assistance, seul le protecteur chargé de sa représentation autorise l’acte, mais il doit cependant tenir compte de l’avis du majeur. La suite de l’article, toujours en écho à l’article 459, précise que dès lors que le majeur ne peut prendre seul une décision, et en cas de désaccord entre le majeur protégé et son protecteur, le juge autorise l’un ou l’autre à prendre la décision (sauf urgence[16]).
Par ailleurs, le dernier alinéa du l’article L1111-4 du CSP n’est pas modifié. « Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d’interventions ». C’est sans doute à ce propos que le rapport au Gouvernement précise dans son alinéa 24 que « le consentement aux actes médicaux doit en outre émaner du majeur à chaque fois qu’il est apte à exprimer sa volonté, sauf pour des actes médicaux particulièrement graves ou invasifs ». Le code de la santé publique contient une série d’articles législatifs ou réglementaires qui régissent nombre d’actes spécifiques de la catégorie des actes graves ou invasifs pour lesquels les protecteurs ont à intervenir (Ex : prélèvements d’organes, études caractéristiques génétique d’une personne, stérilisation à visée contraceptive ,…). On peut en tout cas espérer que le dispositif proposé fasse bien appel à ces dispositions particulières et non à d’autres actes dont le majeur pourrait bénéficier en dehors de cette liste, telles qu’’une chimiothérapie ou une opération. Sinon l’ensemble du texte de l’ordonnance prônant l’autonomie de la personne protégée en représentation se verrait rapidement vidée de toute sa substance, et le majeur protégé rendu à d’anciennes conceptions obsolètes.
Toutefois, des questions demeurent concernant certains de ces actes que le décret d’application ne règlera pas forcément, (Cf infra point 4).
Dès lors, les professionnels de santé et notamment les médecins, devront mieux adapter leurs pratiques quant à la délivrance de l’information au majeur protégé en fonction de ses facultés de compréhension, puisque vraisemblablement la situation va se multiplier. Cette « nouvelle » organisation sécurisera le recueil du consentement de ces patients et devra leur permettre de consentir personnellement dès lors qu’ils en seront aptes, seuls ou, s’ils en ont besoin, avec l’assistance de la personne en charge de la mesure de protection.
Chacun devra donc s’habituer à ce que le protecteur, même en représentation ne soit plus sollicité d’emblée, notamment pour signer des documents la plupart du temps sans fondement juridique. Ce n’est que subsidiairement que le protecteur interviendra pour autoriser un acte (on remarquera le terme utilisé n’est pas « consentir » car seul le patient à la capacité de consentir) pour le majeur alors réellement empêché de prendre une décision personnelle. Aussi, pouvons-nous espérer que ces nouvelles dispositions fassent disparaitre les demandes d’autorisation de soins systématiques auprès du protecteur, dès lors que le patient majeur protégé peut se déterminer lui-même.
Outre ces deux textes fondateurs de la relation de soins, les autres dispositions impactées par ce réajustement suivent la même logique :
L’article L1111-7 du code de la santé publique relatif à l’accès au dossier dont la malheureuse formulation issue de la loi du 26 janvier 2016 [17] avait jeté un trouble supplémentaire dans les esprits, retrouve de la conformité juridique : «… Lorsque la personne majeure fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, la personne en charge de la mesure a accès à ces informations dans les mêmes conditions. Lorsque la personne majeure fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance, la personne chargée de l’assistance peut accéder à ces informations avec le consentement exprès de la personne protégée ». Ainsi le parallélisme des formes tant attendu entre l’accès à l’information orale et l’information écrite est rétabli. On rappellera à cette occasion que la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) avait relevé dès 2016[18] la nécessité de l’accord du majeur pour que son curateur (mesure d’assistance) puisse accéder à son dossier médical.
Quant aux articles L1111-14, L1111-15 et L1111-16 CSP, relatifs au dossier médical partagé (DMP), ils suivent, autant que nécessaire, la même distinction que l’article L1111-4 et différencient aussi entre la situation du mineur et celle du majeur protégé. Ils mettent également le majeur protégé par une mesure en représentation en avant quant à l’information relative à l’ouverture, le fonctionnement, le droit d’opposition et les modalités de clôture de son DMP[19].
Enfin, en cas de dommage, la procédure d’annonce de dommage lié aux soins élargit la liste des protecteurs qui doivent être informés, au-delà du représentant de la personne. Dès lors, tous les protecteurs sont concernés et doivent être informés. Il s’agit d’apporter plus de sécurité et de soutien au majeur notamment dans l’accompagnement auquel il a droit lors du ou des entretiens d’annonce et lors des explications sur son dommage. Ainsi, l’article L1142-4 du Csp modifié, illustre l’équilibre nécessaire entre le droit de la personne et la protection juridique.
On notera cependant que l’article L1122-2 CSP concernant la recherche s’est vu complété par un alinéa onze intégrant les cas de majeurs protégés par une habilitation familiale en représentation, une mesure de tutelle, ou un mandat de protection future donnant attribution au protecteur d’autoriser la recherche, sauf si l’avis du comité de recherche biomédical (CRBM) implique l’intervention du Conseil de famille ou du Juge des Tutelles[20].
Concernant d’autres articles du code de la santé publique modifiés, tels que L1111-6 (personne de confiance), L1111-1 (directives anticipées) , L1113-8 (protection des biens) et L1121-8 (recherche biomédicale) les ajustements ne sont que de forme et :
- Soit se bornent au changement de terminologie, qui comme on l’a déjà dit permet de tenir compte des autres mesures de protection à savoir l’habilitation familiale en représentation et le mandat de protection future,
- Soit poursuivent la distinction entre mineurs et majeurs protégés,
- Soit rappellent que le protecteur doit aussi être tenu informé.
3/ Les implications dans le domaine médico-social
Le code de l’aide sociale et des familles n’est pas exclu, loin de là, par les ajustements nécessaires apportés par l’ordonnance. S’ils sont moins nombreux, leurs impacts sont cependant essentiels, bien que pour beaucoup relevant du changement de terminologie tenant compte ainsi de toutes les types de mesures de protection[21]. Ils concernent aussi en grande partie la distinction nécessaire entre les personnes mineures et les personnes majeures protégées[22] à l’instar de ce qui est effectué dans le code de la santé publique.
Toutefois, certains points marquant l’autonomie de la personne majeure protégée se détachent de manière prégnante. En effet, dans le cadre de l’exercice des droits et libertés fondamentales, il était plus que nécessaire que l’ordonnance en garantisse l’application. Ainsi, certains articles[23] dont l’article L311-3 relatif au projet d’accueil et d’accompagnement de la personne prise en charge, intègrent totalement et directement le majeur dans la démarche sans systématiquement faire appel à son protecteur, excepté si elle ne peut pas se déterminer elle-même. Le texte pose ainsi comme un droit « la participation directe de la personne prise en charge à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui la concerne. Cette personne bénéficie de l’aide de son représentant légal, s’il s’agit d’un mineur ou, s’il s’agit d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique à la personne qui n’est pas apte à exprimer sa volonté, de la personne chargée de cette mesure, qui tient compte de son avis ».
Au-demeurant, on remarquera que lorsque la personne protégée n’est pas apte à se déterminer seule, son protecteur en représentation doit cependant tenir compte de son avis. Ce choix rédactionnel est plus précis et respecte d’autant mieux les droits de la personne protégée et sa place au cœur du projet de vie, d’accompagnement, des choix et organisations qui la concernent.
Enfin, et dans la droite ligne du respect et de la protection des droits de la personne protégée, l’article L311-5 donne la possibilité au protecteur en représentation de la personne majeure de saisir une personne qualifiée, ce qui n’était pas prévu dans la rédaction antérieure : « Si la personne prise en charge est un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation et qu’elle n’a pas fait appel à une personne qualifiée, cette décision peut être prise par la personne chargée de la mesure de protection ». Ici encore on voit trace de la volonté de respecter l’équilibre entre les droits de la personne protégée et sa protection nécessaire.
4/ Toutefois des interrogations demeurent en suspens….
L’ordonnance laisse quelques questions en suspens, on en relèvera essentiellement deux.
D’une part, dans le champ des actes spécifiques graves ou invasifs cités par le rapport au Gouvernement, (cf supra point 2) la question du don du sang demeure. La loi interdit l’accès au don du sang aux personnes majeures quelle que soit la mesure de protection, donc les personnes sous sauvegarde de justice, les personnes en curatelle simple, et dorénavant avec la nouvelle formulation, les personnes sous habilitation familiale simple. La logique du législateur peut ainsi nous échapper, entre le retour à l’autonomie citoyenne[24], la capacité de décider pour soi-même dans le domaine des soins généraux et l’interdiction maintenue du don du sang dans le cas de mesures d’assistance (curatelle) ou sans conséquence dans le domaine de la santé (sauvegarde de justice[25]). A ce propos, et conjointement au projet de loi bioéthique actuel qui, dans ses articles 6 et 7, prévoit de renforcer les droits des majeurs protégés dans l’exercice de leur citoyenneté en leur permettant de donner leur consentement au don d’organes ou de cellules souches hématopoïétiques, un amendement a été déposé afin de demander à ce que soit intégré le droit pour les majeurs protégés de donner leur sang[26]. Malgré les arguments plus que convaincants de l’exposé des motifs de cet amendement, celui-ci a été rejeté[27]. On peut rester interpelé par cette décision.
D’autre part, le cas de désaccord entre la personne protégée et son protecteur introduit dans le code civil (article 459 al 2) et dans le code de la santé publique (article L 1111-4, al. 8 nouveau), impose de mettre en place rapidement une ou des procédures simples et efficaces, soit en direct avec le patient majeur protégé, soit avec le protecteur afin de saisir le juge des tutelles. Il n’y a plus qu’à espérer une réponse judiciaire rapide, afin de préserver les droits du majeur ou le rôle du protecteur, et ce avant que l’aggravation de l’état de santé du patient ne rende la situation urgente. Dans ce dernier cas la situation replacera logiquement le médecin face à ses responsabilités.
Mais dans mesure où le dispositif existe déjà depuis 2016 pour la désignation de la personne de confiance (article L1111-6 dernier alinéa du code de la santé publique) et la rédaction des directives anticipées (article L1111-11 dernier alinéa du code de la santé publique), les professionnels de la santé comme du médico-social doivent être rompus à cette procédure.
Conclusion
Puisque cette ordonnance de réajustement est venue notamment pour éclairer les professionnels de santé qui ne comprenaient pas l’inadéquation du code civil et du code de la santé publique, espérons qu’enfin ils, [notamment les médecins], comprennent et intègrent dans leurs pratiques qu’un patient protégé, même par une mesure en représentation, peut conserver de l’autonomie et se déterminer pour lui-même. En même temps, cela va permettre aux différents protecteurs de comprendre aussi leurs limites d’intervention et leur rôle fondamental auprès des majeurs qu’ils protègent dans le « faire appliquer » leurs droits. Le protecteur quel qu’il soit est encore plus un « passeur » de droits. Il se doit impérativement de faire respecter ces droits. C’est là sa plus grande attribution et son plus grand devoir envers le majeur qu’il protège.
Reste à savoir dans quelle mesure les protecteurs familiaux seront bien au courant de ces modifications et par quels vecteurs, si ce n’est par les professionnels eux-mêmes lorsque la personne protégée est prise en charge, et/ou par les représentants des usagers ou des familles (Commission des usagers ou le conseil de la vie sociale) voire les associations. D’où la nécessité pour les structures de prise en charge d’être pleinement informées ou formées.
Rappel : les mesures de protection : Sauvegarde de justice : protection la plus légère qui normalement aucune incidence sur les décisions de soins Curatelle : mesure de protection d’assistance uniquement qu’elle soit simple ou renforcée : elle n’a que quelques rares incidences. Tutelle : mesure de protection qui seul implique un régime de représentation : elle a des incidences sur la prise en charge en soins mais toutefois plus limitées par les textes. Habilitation familiale simple : mesure portée uniquement pas un membre proche, elle s’analyse comme la curatelle Habilitation familiale avec représentation de la personne : mesure portée uniquement pas un membre proche, elle s’analyse comme la tutelle Mandat de protection future pour soi : choisir un mandataire pour soi-même et lui donner le pouvoir de représentation pour accomplir et d’action lorsque l’on ne pourra plus due à un état de santé défaillant attesté par un certificat médical. Mandat de protection future pour autrui : les parents choisissent un mandataire pour un leur (s) enfant (s) même devenu majeur et lui donner pouvoir de représentation et d’action lorsque les parents ne pourront plus assurer ces tâches, attesté par un certificat médical. |
[1] Ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 relative au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique
[2] Loi no 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs[], entrée en vigueur le 1er janvier 2009, (pour mémoire, rénove les dispositifs issus de deux lois antérieures : la loi du 18 octobre 1966 relative aux tutelles aux prestations sociales – la loi du 3 janvier 1968 relative à la protection des majeurs.
[3] Ordonnance 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille
[4] CNCDH, avis du 16 avril 2015, relatif au consentement des personnes vulnérables, dans lequel elle recommande, en matière de consentement aux soins, de s’assurer de la bonne articulation entre les dispositions prévues par le code civil et les dispositions prévues par le code de la santé publique afin de favoriser l’autonomie de la personne. La CNCDH relève notamment que les dispositions du Csp issues en grande partie de la loi du 4 mars 2002 demeurent en retrait par rapport à celles du c.civ telles que modifiées par la loi du 5 mars 2007.
[5] Cf référence 1
[6]Article 211 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé –ordonnance prévue dans un délai de 18 mois à compter de la publication de la loi.
[7] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
[8] Rapport au Gouvernement, in fine.
[9] Pour exemple : Loi du 5 mars 2007 parue 2 ans avant sa mise en oeuvre, et dont les modalités n’ont sur tout le territoire pas été appliquées avant 2009, le décret n°2016-995 du 20 juillet 2016 relatif aux lettres de liaison applicable au 1er janvier 2017 – toujours pas déployée dans tous les établissements…)
[10] Le gouvernement est habilité à prendre « toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier, dans un objectif d’harmonisation et de simplification, les dispositions fixant les conditions dans lesquelles est prise une décision portant sur la personne d’un majeur qui fait l’objet d’une mesure de protection juridique et, selon les cas, intervenant en matière de santé ou concernant sa prise en charge ou son accompagnement social ou médicosocial »
[11] Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2020-232 du 11 mars 2020
[12] article 459 al 1 « Hors les cas prévus à l’article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet »
[13] Autant le code civil raisonne à partir de l’autonomie du majeur, (cf. article 459 note ii), autant le code la santé publique continuait de raisonner à partir de la seule protection du tuteur sans tenir compte des autres modes de protection. (Cf. articles L1111-2 e tL1111-4 et L1111-6 L1111-7, etc…)
[14] Notamment dans les articles issus de la loi : L1111-2, 1111-4, L1111-6, L1111-7 pour ce dernier jusqu’à la malencontreuse rédaction issue de la loi du 26 janvier 2016
[15] Hors les cas prévus à l’article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. Lorsque l’état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille s’il a été constitué peut prévoir qu’elle bénéficiera, pour l’ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d’entre eux qu’il énumère, de l’assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après le prononcé d’une habilitation familiale ou l’ouverture d’une mesure de tutelle, autoriser la personne chargée de cette habilitation ou de cette mesure à représenter l’intéressé, y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle. Sauf urgence, en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne chargée de sa protection, le juge autorise l’un ou l’autre à prendre la décision, à leur demande ou d’office. Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intimité de la vie privée de la personne protégée.
[16] On rappellera qu’en cas d’urgence, vitale ou fonctionnelle le soignant agit avant tout quelle que soit la situation juridique du patient et sans plus recueillir de consentement. Son devoir étant la sauvegarde de la santé du patient. Les personnes concernées seront informées par la suite une fois l’urgence passée ;
[17] « .[ …] Lorsque la personne majeure fait l’objet d’une mesure de protection juridique, la personne en charge de l’exercice de la mesure, lorsqu’elle est habilitée à représenter ou à assister l’intéressé dans les conditions prévues à l’article 459 du code civil, a accès à ces informations dans les mêmes conditions. » Le texte visait autant le tuteur que le curateur, ce que juridiquement n’était pas valable sans précisions pour le curateur.
[18] CADA, conseil n°20163641 du 15 septembre 2016
[19] On notera que le dossier pharmaceutique visé à l’article L1111-23 n’est pas évoqué par l’ordonnance. Doit-on y voir un oubli ? Non, il sera espérons-le traité par le décret d’application prévu par l’ordonnance puisque les modalités du consentement sont, de manière étonnante, précisées dans la partie réglementaire du code à l’article R11120-1 à la différence que pour le DMP qui traite de l’intervention du protecteur dans la partie législative. Aussi cela permet d’évoque la différence de traitement entre le DMP et DP.
[20] […] Lorsqu’une recherche impliquant la personne humaine est effectuée sur une personne majeure faisant l’objet d’un mandat de protection future, d’une habilitation familiale ou d’une mesure de tutelle, avec représentation relative à la personne, l’autorisation est donnée par la personne chargée de la représenter. Toutefois, si le comité mentionné à l’article L. 1123-1 considère que la recherche comporte, par l’importance des contraintes ou par la spécificité des interventions auxquelles elle conduit, un risque sérieux d’atteinte à la vie privée ou à l’intégrité du corps humain, l’autorisation est donnée par le conseil de famille s’il a été constitué ou par le juge des tutelles.
[21] Cf. ex : articles L113-3, L114-1-1, L146-8, L147-2, L224-7, L232-22, L245-6, L311-4, L311-4-1, L342-2, L471-7,
[22] Idem
[23] Articles L114-1-1, L146-9, L241-6, L312-7-1, L344-2-5,
[24] Loi du 23 mars 2019 réintègre le droit de vote pour les majeurs protégés par une mesure de protection en représentation
[25] On rappellera que ce régime de protection laisse au majeur sa pleine capacité juridique et la faculté d’organiser la gestion de ses intérêts. Les actes matériels liés à son patrimoine qu’il accomplit sont contrôlés a posteriori. Il n’y a pas de rapport avec des actes de la sphère privée liés à la santé.
[26] http://www.senat.fr/rap/l19-237/l19-2371.html – on relèvera également qu’un premier projet de loi en ce sens a été enregistré à l’AN le 15 février 2017 avait déjà été rédigé, mais sans résultat.
[27] http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2243/AN/1991