Note de jurisprudence – Un patient a le droit d’obtenir gratuitement une première copie de son dossier médical, conformément au RGPD
Aude Charbonnel, juriste consultante au centre de droit JuriSanté du CNEH
Le dossier médical fait l’objet de réglementations multiples et complexes ! Ces dernières années, les procédures d’accès au dossier médical ont été impactées par de nombreux textes dont la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, l’ordonnance du 11 mars 2020 concernant les décisions en matière de santé des majeurs protégés ou encore la loi relative à la bioéthique du 2 août 2021… et, comme vient de le rappeler récemment la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), par le Règlement général sur la protection des données (RGPD)[1], entré en application le 25 mai 2018.
Le RGPD organise l’environnement juridique permettant d'encadrer le traitement des données personnelles sur tout le territoire de l'Union européenne. Il s’impose à toutes structures publiques telles que les établissements de santé. Le dossier médical est un traitement de données sensibles au sens du RGPD.
Ce que prévoit la règlementation française
Le dispositif relatif au coût de la communication du dossier médical découle de l’article L.1111-7 du code de la santé publique (CSP) aux termes duquel « la consultation sur place des informations est gratuite ».
Dans la partie réglementaire du code, l’article R1111-2 dispose qu’ : « à son choix, le demandeur obtient du professionnel de santé ou de l’établissement de santé communication des informations demandées, soit par consultation sur place, avec, le cas échéant, remise de copies de documents, soit par l’envoi de copies des documents. Les frais de délivrance de ces copies sont laissés à la charge du demandeur dans les conditions fixées par l’article L. 1111-7 ».
A noter : la loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a supprimé la fin du 7ème alinéa qui précisait que « lorsque le demandeur souhaite la délivrance de copies, quel qu’en soit le support, les frais laissés à sa charge ne peuvent excéder le coût de la reproduction et, le cas échéant, de l’envoi des documents ».
La position de la Cour de justice de l’Union européenne
Depuis sa création en 1952, la mission de la CJUE consiste à assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités. Dans cette affaire, la Cour fédérale de justice allemande a posé des questions préjudicielles à la Cour concernant, notamment, les frais liés à la fourniture de la copie d’un dossier médical. En l’espèce, un patient a demandé à sa dentiste la communication de son dossier mais il s’est opposé au paiement des frais, comme le prévoit le droit allemand, considérant qu’il avait droit à une copie gratuite. Le juge allemand a alors considéré que la solution du litige dépendait de l’interprétation des dispositions du droit de l’Union, à savoir le RGPD.
Pour la CJUE, le RGPD consacre le droit du patient à obtenir une première copie de son dossier médical sans que cela entraîne, en principe, des frais. Le responsable du traitement peut exiger un paiement uniquement lorsque le patient a déjà obtenu gratuitement une première copie de ses données et qu’il en fait à nouveau la demande.
En l’espèce, la dentiste doit être considérée comme la responsable du traitement des données à caractère personnel de son patient. En tant que telle, elle est obligée de lui fournir gratuitement une première copie de ses données et le patient n’est pas obligé de justifier sa demande.
La Cour souligne que même en vue de protéger les intérêts économiques des praticiens, les règles nationales ne peuvent pas mettre à la charge d’un patient les frais d’une première copie de son dossier médical.
Ce qu’il faut en retenir
La décision de la CJUE clarifie le dispositif relatif aux frais liés à la copie d’un dossier médical. Mais on peut regretter que l’article R1111-2 du CSP n’ait pas été mis en adéquation avec l’article L1111-7 (modifié en 2021) et le RGPD. En tout état de cause, les établissements de santé doivent s’assurer que leur procédure est bien conforme à la jurisprudence européenne.
[1] Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).