Note – Droit de visite en établissement de santé: une reconnaissance législative
Aude Charbonnel, consultante du centre de droit JuriSanté du CNEH
La loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie ne comprend pas uniquement des dispositions visant les personnes âgées ou handicapées ! Elle consacre ainsi le droit de visite en établissement de santé, mis à mal pendant la crise sanitaire.
Jusqu’alors, le droit à recevoir des visites de proches à l’hôpital n’était affirmé que par la Charte de la personne hospitalisée, issue d’une circulaire[1] s’appuyant notamment sur des textes règlementaires édictés pour les établissements publics de santé (articles R1112-44 et R1112-47 du code de la santé publique).
Désormais, le nouvel article L1112-2-1 du CSP prévoit que les établissements de santé garantissent le droit des personnes qu’ils accueillent de recevoir chaque jour tout visiteur de leur choix. Sauf si le patient en exprime le souhait, aucune visite ne peut être subordonnée à une information préalable de l’établissement.
Par ailleurs, cet article précise, et en cela les encadre, les dérogations possibles. Ainsi, le directeur de l’établissement ne peut s’opposer à une visite que :
- si elle constitue une menace pour l’ordre public à l’intérieur ou aux abords de l’établissement,
- ou si le médecin responsable de la prise en charge du patient ou, à défaut, tout autre professionnel de santé estime qu’elle constitue un risque pour la santé de la personne hospitalisée, pour celle des autres patients ou pour celle des personnes qui y travaillent.
Enfin, le législateur indique qu’une telle décision, motivée, est notifiée sans délai au patient et à la personne sollicitant la visite.
Dès lors, une possible interdiction de visite est décidée par le directeur en vertu de son pouvoir de police administrative afin de garantir l’ordre public et la sécurité physique et sanitaire des patients et selon les fondements suivants:
- Hygiène,
- Sécurité,
- Organisation des soins
- Confort/tranquillité des autres malades
Suite à l’entrée en vigueur de la loi du 8 avril 2024, il pourrait être opportun :
- d’intégrer cette nouvelle disposition relative aux visites dans le livret d’accueil, a minima, ainsi que dans le règlement intérieur de l’établissement à l’occasion d’une mise à jour. En effet, dans un objectif de qualité de la prise en charge et de transparence à l’égard des patients, et de leur entourage, il est recommandé de décrire ces règles applicables aux visites au sein de l’établissement, et, le cas échéant, les spécificités liées à certains services : horaires, règles d’hygiène,… .
- d’élaborer une trame de décision d’interdiction de visite, notamment à destination des administrateurs de garde. La décision d’interdiction de visite du directeur est un acte faisant grief pouvant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Elle doit donc être décidée avec précaution et discernement, être strictement nécessaire et proportionnée, motivée et jamais prise pour une durée illimitée.
A noter que la loi du 8 avril 2024 a également ajouté un alinéa à l’article L1112-4 du CSP : « (…) la personne en fin de vie ou dont l’état requiert des soins palliatifs ne peut se voir refuser une visite quotidienne de toute personne de son choix ni, lorsque son consentement ne peut pas être exprimé, de tout membre de sa famille ou de son entourage ainsi que, le cas échéant, de la personne de confiance qu’elle a désignée. Les établissements définissent les conditions qui permettent d’assurer ces visites et garantissent le respect des consignes permettant de protéger la santé du patient ou du résident et de ses visiteurs ».
Note
[1] Circulaire DHOS/E1/DGS/SD1C/SD4A n° 2006-90 du 2 mars 2006 relative aux droits des personnes hospitalisées et comportant une charte de la personne hospitalisée.