Billet d’humeur – Autorisations d’activités de soins, un match jamais gagné d’avance !

Catégorie : Organisation sanitaire et médico-sociale
Date : 23/07/2024

Brigitte de Lard-Huchet, directrice du centre de droit JuriSanté du CNEH

Le droit des autorisations est, dans sa philosophie juridique, construit comme une compétition sportive :

  • L’agence régionale de santé (ARS) organise le terrain de jeu (plan stratégique régional et schéma régional de santé – SRS) et fixe la ligne d’arrivée (les objectifs quantitatifs de l’offre de soins OQOS, c’est-à-dire le nombre d’implantations souhaitées pour chaque activité).
  • Les règles du jeu sont déterminées au départ : la procédure fixée par le code de la santé publique est plus que précise, sans compter les ajustements conjoncturels de la réforme en cours (Loi Valletoux notamment).
  • Dopage interdit : le dossier de demande d’autorisation doit permettre d’évaluer que l’établissement répond aux normes et tiendra sur la longueur.
  • Et s’il y a contestation du résultat, l’arbitre intervient.

Après ça… que le meilleur gagne !

Et gare aux tricheries. Le juge administratif peut être amené à vérifier que tout se déroule « à la loyale », c’est-à-dire sans rupture d’égalité de traitement des candidats.

Les recours sont fréquents, par un établissement qui n’aurait pas obtenu l’autorisation tant convoitée, ou qui contesterait celle accordée à son concurrent.

Les compétiteurs malheureux obtiennent parfois gain de cause, à l’issue du match. On retiendra ce jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse considère qu’une ARS, qui se borne à faire état de considérations générales sur la portée des dispositions du code de la santé publique fixant les conditions techniques de fonctionnement et n’apporte aucune précision quant aux éléments concrets sur lesquels elle s’est fondée pour considérer que celles-ci étaient satisfaites, et ne précise ainsi nullement les motifs l’ayant conduite à s’écarter de l’avis de son inspectrice, commet une erreur manifeste d’appréciation dans sa décision de confirmation d’une autorisation de soins de suite et de réadaptation cédée (TA Toulouse, 2e chambre, 17 Novembre 2022 – n° 2000104). Toutefois, le contrôle exercé par les tribunaux aboutit le plus souvent à conforter la décision des ARS, après vérification que ni la procédure suivie, ni l’examen des « mérites respectifs » des demandes concurrentes n’ont faussé la si impérieuse égalité de traitement entre les candidats (pour un exemple, CAA de Bordeaux, 2ème chambre, 29/06/2023,19BX04887).

Dans le cadre de la réforme en cours, ce sont les conditions du match qui sont parfois contestées. Cela nous permet de rappeler ce mécanisme de sécurité juridique supplémentaire que constitue le recours hiérarchique contre les décisions de l’ARS, devant le ministre chargé de la santé.

Plusieurs décisions prises sur recours hiérarchique ont ainsi récemment censuré deux ARS :

  • La première ARS a mal balisé le terrain de jeu : « les éléments de diagnostic prospectif élaborés par l’agence régionale de santé pour établir l’évaluation des besoins [en implantations supplémentaires sur l’activité de traitement du cancer] ne permettent pas de caractériser suffisamment l’augmentation des besoins alléguée » ; la création d’une implantation supplémentaire a ainsi été censurée (Décision du 8 juillet 2024 relative à l’adoption du projet régional de santé 2023-2028 de l’agence régionale de santé de Grand Est, NOR : TSSH2419208S) ;
  • La seconde a modifié les règles du jeu : en prévoyant dans le SRS un OQOS réservé pour « une entité juridique qui dispose de deux entités de statuts juridiques différents pour la prise en charge de pathologies cardiaques sur la même parcelle », l’ARS a indirectement identifié un établissement de santé dans ses objectifs quantitatifs de l’offre de soins, ce que le SRS ne peut légalement faire (Décision du 8 juillet 2024 relative à l’adoption du projet régional de santé 2023-2028 de l’agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d’Azur, NOR : TSSH2419212S).

Ne jamais oublier que la procédure des autorisations d’activités de soins et d’équipements matériels lourds est toujours fondée sur le choix de l’offre la plus pertinente pour répondre aux besoins de santé identifiés sur un territoire… quel noble sport que la planification sanitaire…