BILLET D’HUMEUR – StopCovid, le petit Poucet version covid-19 ?
Anne-Sophie Ovide, juriste, apprentie du centre de droit JuriSanté du CNEH
Depuis le 2 juin dernier, l’application StopCovid est disponible sur Google Play et Apple Store, conformément au décret[1] encadrant son déploiement. Trois points pour mieux comprendre :
- Quel contenu y trouver ?
Initiée par le gouvernement en soutien aux médecins et à l’Assurance Maladie, l’application StopCovid entend « casser la chaine de transmission » sur la base du volontariat. Facultative, il est important de préciser que ne pas la télécharger n’emportera pas de conséquence sur une éventuelle prise en charge pour cause de covid-19. Le but premier est de permettre des prises en charge plus précoces en cas de contact à l’extérieur (métro, supermarché, etc.) avec un inconnu testé positif au covid-19.
- Quelles sont ses modalités d’utilisation ?
Une fois l’application installée, l’activation continue du Bluetooth est nécessaire, le but étant uniquement d’identifier les téléphones et non de tracer les déplacements, via la géolocalisation. L’enregistrement crypté du contact n’intervient que lorsqu’il y a une proximité de moins d’un mètre pendant au moins 15 minutes entre individus. L’enregistrement se fait de manière anonyme au support d’un pseudonyme. L’intérêt affiché est nécessairement double puisqu’il permet de se protéger ainsi que les autres. En effet, toute personne testée positive dispose d’un code à usage unique qui permet de signaler aux autres qu’elle est contaminée. Une fois alertées de ce contact à risque, les autres personnes sont alors invitées à consulter un médecin pour une prise en charge rapide.
- Quels sont les enjeux juridiques majeurs ?
Jugée conforme à la réglementation sur la protection des données personnelles (RGPD) par avis de la commission nationale informatique et libertés (CNIL) [2], StopCovid soulève certains questionnements. En dépit de son intérêt sanitaire indéniable, StopCovid interroge la question du respect des droits et libertés fondamentaux de ses utilisateurs. A ce titre, le Conseil de l’Ordre du barreau de Paris a notamment pointé du doigt « les risques réels de fuite de données médicales et professionnelles »[3] en sus du risque précité. Le Conseil rejoint ainsi les inquiétudes déjà soulevées par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), dans un avis[4] publié au journal officiel. En dépit du volontariat et de l’anonymat dont se prévaut l’application, des dangers sérieux semblent graviter autour du droit au respect de la vie privée.
Et vous ? Comptez-vous l’installer ?
[1] Décret n°2020-650 du 29 mai 2020.
[2] Délibération n°2020-056 du 25 mai 2020 portant avis sur un projet de décret relatif à l’application mobile dénommée « StopCovid »
[3] Application « StopCovid », Délibération du Conseil de l’Ordre du barreau de Paris, du mardi 26 mai 2020
[4] CNCDH, Avis sur le suivi numérique des personnes, 28 avril 2020