Note de jurisprudence – Le non-assujettissement des EHPAD publics à la TVA, la distorsion de concurrence et l’avantage économique : le Conseil d’Etat se prononce !
Kelly Vang, juriste, consultante du centre de droit JuriSanté du CNEH
Sur les arrêts n°463241, n°463222 et n°463237 du Conseil d’Etat du 7 avril 2023.
Le Conseil d’Etat a reconfirmé sa position, par trois fois, sur les questions de la distorsion de concurrence et l’avantage économique tiré du principe de non-assujettissement des EHPAD publics à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
- L’absence de distorsion de concurrence d’une certaine importance
L’article 256B du Code général des impôts (CGI) admet une exonération à la TVA pour les personnes morales de droit public :
« Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l’activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n’entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence. »
Cette disposition, qui vient transposer la directive européenne du 28 novembre 2006[1], pose le principe du non-assujettissement des EHPAD publics à la TVA, tant que celui-ci ne crée pas de distorsions dans les conditions de la concurrence. Par plusieurs arrêts, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est venue confirmer ce principe et préciser le terme de « distorsion de concurrence d’une certaine importance »[2].
Cette notion peut être définie selon un faisceau d’indices, parmi lesquels la présence d’une entité privée au sein du marché ou non, n’est pas à prendre en compte[3].
- Ces distorsions doivent être appréciées au regard de l’activité exercée et par rapport à la concurrence actuelle mais également potentielle sur le marché en cause.
- La seule constatation que les prestations réalisées par l’établissement public sont identiques à celles réalisées par la structure privée est insuffisante.
En application de ces illustrations, le Conseil d’Etat[4] a donc jugé que la nature des personnes accueillies par les EHPAD publics et les modalités des prises en charge, suffisaient à justifier l’absence de désavantage dont se prévalaient les structures privées. Ainsi, les juges ont considéré que
- La possibilité pour l’établissement privé d’exercer une activité à titre lucratif,
- La liberté de choisir sa clientèle,
- Et la liberté de fixer ses tarifs,
Constituaient autant de facteurs permettant de réduire l’inégalité créé par le non-assujettissement des EHPAD publics à la TVA.
- L’exonération de TVA ne dépend pas de l’existence d’un avantage économique
Outre la question de la distorsion de concurrence, le Conseil d’Etat a également précisé dans ses arrêts du 7 avril 2023 que ce non-assujettissement à la TVA était lié à la nature des établissements et des activités exercées et qu’il n’était en aucun cas dépendant de l’avantage tiré ou non par l’établissement en cause.
En effet, selon les dispositions de l’article 231 du CGI, les employeurs qui ne sont pas assujettis à la TVA, sont assujettis à la taxe sur les salaires. Par ces arrêts, les juges rappellent donc que le principe de non-assujettissement à la TVA (et donc, l’assujettissement à la taxe sur les salaires) s’applique, que celui-ci soit plus avantageux ou non pour l’établissement.
En l’espèce, les EHPAD se prévalaient du fait que le montant de la TVA auquel ils auraient pu être soumis, était moins important que le montant de la taxe sur les salaires effectivement versé. Par des raisonnements identiques, le Conseil d’Etat a, à plusieurs reprises, confirmé que l’avantage économique n’était pas un critère à prendre en compte.
Finalement, l’exonération à une taxe peut ne pas être un avantage pour les EHPAD publics…
[1] Directive 2006/112/CE du Conseil de l’Union européenne du 28 novembre 2006
[2] Arrêt de la CJUE du 29 octobre 2015, n° C-174/14
[3] Arrêt de la CJUE du 19 janvier 2917, n° C-344/15
[4] Arrêt du Conseil d’Etat du 7 avril 2023, n° 463222