Actualité en psychiatrie : Qui est la nouvelle CGLPL ? Retour sur cette institution aux missions fondamentales et éléments de réflexion
Aude Charbonnel, juriste consultante au Centre de droit JuriSanté du CNEH
Par décret du 14 octobre 2020, le Président de la République a nommé Madame Dominique Simonnot au poste de Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL). L’occasion de consacrer un billet à cette autorité administrative indépendante dont les visites, souvent redoutées par les professionnels de la psychiatrie, ont permis de faire évoluer les pratiques et la législation.
Présentation du contrôleur général des lieux de privation de liberté
La loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 a institué un Contrôleur général des lieux de privation de liberté chargé de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux. Il vérifie ainsi que les droits à la vie, à l’intégrité physique et psychique ou à ne pas être soumis à un traitement inhumain ou dégradant sont respectés[1]. Son mandat dure 6 ans et n’est pas renouvelable.
Dans le cadre de sa mission, le contrôleur général intervient dans les établissements de santé autorisés par la loi à retenir les personnes prises en charge, et plus précisément :
- au sein des établissements ou unités de santé recevant des personnes hospitalisées sans leur consentement sur décision du directeur (soins à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent) ou du préfet ;
- dans les chambres d’isolement sécurisées au sein de ces mêmes hôpitaux ;
- dans les unités dites pour malades difficiles ;
- dans les unités médico-judiciaires.
Il intervient également au sein des établissements placés sous l’autorité conjointe du ministère de la Santé et du ministère de la Justice : dans les unités d’hospitalisation sécurisées interrégionales, dans les unités hospitalières spécialement aménagées, dans l’établissement public de santé national de Fresnes, dans les centres socio-médico-judiciaire de sûreté.
A noter :
Dans son rapport d’activité 2012, Monsieur Jean-Marie Delarue, le premier contrôleur général, a souhaité étendre ses compétences « aux EHPAD afin d’éviter toute atteinte aux droits fondamentaux de leurs résidents », notamment concernant les unités fermées pour patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Il précisait alors que « les EHPAD ne sont évidemment pas des lieux de privation de liberté assimilables à ceux qui, par, nature, ont été créés comme lieux de captivité ». Toutefois, le CGLPL constatait que ces établissements sont des lieux fermés de facto : « en théorie, il n’existe en EHPAD ni obstacles à l’entrée, ni empêchement à la sortie. Mais en pratique, de nombreux établissements, pour la protection des personnes âgées elles-mêmes, sont fermés ». Un avant-projet de loi avait été déposé au mois de mai 2012 mais sa demande n’avait alors pas été retenue. Son successeur, Madame Adeline Hazan, a ensuite réaffirmé, en 2018, que les EHPAD qui pratiquent la contention, l’isolement devaient être contrôlés par une autorité indépendante garante du respect des libertés fondamentales des personnes prises en charge.
Eléments de réflexion
En 2014, Madame Adeline Hazan avait fait de la psychiatrie et du contrôle des établissements de santé mentale une priorité forte de son mandat. Ainsi l’ensemble de ces établissements ont été visités au moins une fois (à l’exception d’un seul dont la visite a été empêchée par la crise sanitaire[2]). Par ailleurs, la publication, pour la première fois, de quatre recommandations en urgence a permis de mettre en lumière de graves dysfonctionnements et atteintes aux droits des personnes qui y étaient hospitalisées et a eu des retentissements forts[3]. Madame Hazan a aussi rédigé plusieurs rapports consacrés à la psychiatrie durant son mandat : sur le recours à l’isolement et à la contention en 2016, sur les droits fondamentaux des mineurs hospitalisés en 2017 et sur les soins sans consentement et les droits fondamentaux en 2020. Citons également celui sur les droits fondamentaux des personnes privées de liberté à l’épreuve de la crise sanitaire (juillet 2020). Enfin, son travail sur l’isolement et la contention a conduit à la rédaction de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique[4] et la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 19 juin 2020 visant à instaurer un contrôle juridictionnel de ces mesures répond à ses recommandations[5].
Alors que le mandat de Madame Dominique Simonnot vient de débuter, on peut se demander si elle accordera la même place à la psychiatrie dans le cadre de ses nombreuses missions.
Sur le fond, son parcours professionnel pourrait laisser penser que la situation des détenus est sa première préoccupation. Elle connait en effet très bien l’univers carcéral puisqu’elle a été éducatrice dans l’administration pénitentiaire. Puis, elle est devenue journaliste, spécialiste des affaires judiciaires[6]. Lors de ses auditions devant les commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2020[7][8], la future CGLPL a surtout évoqué la situation des personnes souffrant de troubles mentaux en détention.
Sur la forme, le vocabulaire de Madame Simonnot a pu étonner les parlementaires : elle a ainsi employé à plusieurs reprises le terme « fou » et fait référence à l’« hospitalisation d’office », qui n’a plus lieu d’être depuis bientôt 10 ans[9].
Mais soulignons que Madame Simonnot a clairement, en réponse aux questions sénateurs, exprimé son inquiétude quant au manque de personnel et de lit en psychiatrie ainsi que le sentiment d’usure des professionnels alors que les « hospitalisations d’office » augmentent. De plus, parmi ses indicateurs de réussite : améliorer les soins en psychiatrie et faire en sorte que les recommandations du CGLPL soient suivies d’effet. Elle s’est également engagé à diminuer le délai de remise de rapport de visite (en moyenne 10 mois) et considère que son travail de journaliste pourra l’aider. A la question « un mot pour qualifier votre engagement » posée par un sénateur ? Sa réponse : « L’acharnement ».
En complément, à noter une autre nomination récente à une fonction tout aussi fondamentale : Madame Claire Hédon est devenue défenseure des droits le 22 juillet 2020 pour un mandat de 6 ans, non renouvelable.
[1] Le législateur français a institué le CGLPL suite à la ratification du protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines et traitement cruels, inhumains et dégradants adopté par l’assemblée générale des Nations-Unis le 18 décembre 2002
[2] Adeline Hazan, « 2014-2020 : retour sur six ans d’action au CGLPL » https://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2020/07/Six-ans-daction-au-CGLPL.pdf
[3] Article 9 de la loi du 30 octobre 2007 : le CGLPL, lorsqu’il constate une violation grave des droits fondamentaux d’une personne privée de liberté, communique sans délai aux autorités compétentes ses observations, leur impartit un délai pour y répondre et, à l’issue de ce délai, constate s’il a été mis fin à la violation signalée. S’il l’estime nécessaire, il rend alors immédiatement public le contenu de ses observations et des réponses reçues.
[4] Créé par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé
[5] Conseil constitutionnel n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020
[6] Cf. biographie de Dominique Simonnot sur le site du CGLPL : https://www.cglpl.fr/missions-et-actions/biographie-jm-delarue/
[7] http://videos.senat.fr/video.1761615_5f83869ea30c7.audition-de-mme-dominique-simonnot-candidate-aux-fonctions-de-controleur-general-des-lieux-de-priva?timecode=854663
[8] http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9637150_5f85c78748326.commission-des-lois–mme-dominique-simonnot-controleur-general-des-lieux-de-privation-de-liberte-13-octobre-2020
[9] Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge